Corniche - ASILAH
Maitrise d’ouvrage
Wilaya Asilah
Surface
15 ha
Montant travaux
30 M Dirhams
Equipe
ANDALOUSSI / ID
Etudes
2018 / 2019
Réalisation
2020 / 2022
Crédit photo
/
Cité balnéaire sur la côte Atlantique, à 46 km au sud de Tanger, Asilah est considérée comme un des bijoux du Royaume du Maroc. En 1989 la réhabilitation de la médina lui a valu le prestigieux prix Aga Khan de l’Architecture.
Ville au passé tumultueux pendant plus de deux millénaires, envahie par les Carthaginois, puis par les Romains, elle a résisté aux assauts des Normands venus de Sicile au 10ème siècle. Elle passa ensuite aux mains des Omeyades de Cordoue en 972, avant de tomber sous la domination portugaise en 1471. Après la fameuse bataille des Trois Rois en 1578, leur succédèrent les Espagnols et ce n’est qu’à la fin du 17ème siècle que le sultan Moulay Ismail leur reprendra la cité. Au début du 20ème siècle, Asilah deviendra le repaire de Raissouni, bandit célèbre du Rif, qui rançonnait les populations et qui sera finalement chassé par les Espagnols en 1924, qui resteront maîtres de la ville jusqu’à l’indépendance.
Encore aujourd’hui, les remparts portugais qui encerclent la vieille ville contrastent avec la blancheur des maisons et en font une destination très prisée, surtout l’été. La médina reste une des plus belles du pays, valant à elle seule un détour..
En 1978, deux natifs d’Asilah (M. Benaïssa et M. Melehi) créent une association d'envergure (la Fondation pour le Forum d’Asilah) qui vaudra à Asilah d'être nommée Capitale des Arts et de la Culture du Maroc. Depuis, la Fondation a multiplié les créations de nouveaux bâtiments et les restaurations de monuments historiques. Ainsi Asilah a vu sortir de terre le Palais de la Culture, la Bibliothèque du Prince Bandar Bin Sultan et le Centre Hassan II des rencontres internationales, et la réhabilitation de la Tour Al-Kamra, du Donjon d'Asilah et de la Médina. Aujourd’hui un nouvel équipement est en train de voir le jour au centre ville. Sur un terrain de plus d’un hectare, une Académie dédiée aux beaux-arts et un Musée sortent de terre.
Pour accompagner cette effervescence culturelle et amplifier l’attrait de la ville, la municipalité a décidé de requalifier sa promenade maritime, la corniche.
Une corniche parkway, une avenue forêt
En partie existante du côté de la Médina, cette promenade maritime voit son tracé étiré jusqu’au rond-point (Place Atlantique) de la sortie Nord de la ville vers Tanger. Requalifiée et complétée, elle est composée de deux parties distinctes. Une première partie au Sud vers la Médina qui longe le port et qui est bordée par une façade maritime déjà en grande partie constituée et une deuxième partie au Nord avec une façade en cours de constitution, qui donne sur la plage.
Nous proposons à partir de cette deuxième partie, de réintroduire le thème du cordon dunaire qui existait à l’origine mais qui avait malheureusement disparu sous la pression immobilière de différents équipements. La promenade se constituera alors d’un vaste mail de plus de 20m de large planté de Palmiers et de Pins, accompagné par une épaisseur d’une quarantaine de mètre de cordon dunaire permettant la réinstallation d’espèces endémiques des rivages maritimes. Ce cordon dunaire sera protégé par des trames de ganivelles préservant les plantes du piétinement et fixant les sables, largement entrecoupé par des allées desservant la plage depuis la promenade. Des Pins seront réinstallés sur ce cordon afin de compléter sa stabilisation et protéger la promenade des vents dominants du nord.
Des kiosques buvette et des aires de jeux se dissémineront sur la promenade et au bord du cordon dunaire afin de créer des lieux d’accueil et d’attrait tout au long de la Corniche. Les kiosques buvette seront répartis essentiellement sur la deuxième partie de la promenade, côté Nord, afin de ne pas faire concurrence aux établissements hôteliers de la partie Sud. Les aires de jeux les plus bruyantes seront installées en partie Nord afin de ne pas déranger la quiétude de la Corniche vers la Médina. Les jeux calmes seront dispatchés tout le long de la promenade.
Afin d’agrandir les terrasses aux pieds des établissements hôteliers, nous proposons de limiter la circulation automobile (un seul sens de circulation venant du Nord vers le Sud, sens de l’entrée des touristes tangérois dans Asilah) et de récupérer la largeur de la voie désaffectée pour créer une vraie bande de terrasse de café le long des façades. Le lieu en deviendra d’autant plus attractif et permettra aux restaurants des hôtels d’offrir une vraie terrasse confortable aux pieds de leur établissement.
Le sens unique de circulation permettra aussi de réduire les nuisances sonores dues aux automobiles tout en rendant aisée la traversée de la voie.
L’alignement existant de Phoenix canariensis le long de la façade sera complété et doublé d’un deuxième alignement donnant alors une forte personnalité balnéaire à cette terrasse linéaire le long des immeubles.
Du côté promenade, les alignements existants de Washingtonia robusta seront complétés pour accentuer leur présence. Sur la promenade, côté océan, des Pins seront plantés en « aléatoire » afin de protéger du vent, des embruns et du soleil la promenade. Cette lisière de Pins permettra l’installation d’autant plus rapide des Palmiers, ainsi protégés du vent et des embruns. De plus, les Pins rappelleront la forêt originelle qui occupait ce territoire, tout en donnant un cachet supplémentaire de ville balnéaire. En effet, que serait l’image des villes balnéaires du pourtour méditerranéen sans la présence du Pins? De Tanger à Monaco, en passant par Barcelone, Tunis, Alexandrie, Beyrouth, Athènes, Venise, toutes ces villes bénéficient de l’image singulière de cet arbre. Il fut même utilisé sur l’ensemble de l’Europe pour donner ce caractère maritime aux toutes premières cités balnéaires de la fin du XIXe siècle et ensuite repris jusqu’aux dernières datant des années 70. Ainsi de la Baule les Pins à Malaga, l’arbre était devenu un précieux argument de vente des promoteurs de ces stations, présent sur toutes les affiches de leurs offices du tourisme pour mettre en valeur leur ville.
Limitant l’espace de la dune et la promenade, un muret banc se faufile le long de la corniche et multiplie les lieux de contemplation ou de rendez-vous. Sa structure mi brute, mi polissée, constituée par un assemblage d’un muret en béton brute de décoffrage couleur sable et d’un couronnement en béton préfabriqué gris lisse, constituera une transition poétique entre la nature brute de la dune et le sol architecturé en béton gris de la promenade. En effet, le sol de la promenade se pare d’un nouveau pavage afin de rendre le lieu encore plus exceptionnel et singulier, tout en essayant de préserver au maximum les dallages réalisés avec les dessins de Melehi, Belkahia et leurs amis.
Le pavage, un héritage réinterprété
Réminiscence de la chaussée portugaise (calçada portugesa), employée au XVIIIe siècle pour aménager Lisbonne (Plaça Rossio, 1760) avec un motif en vague et reprise dès 1950 par Roberto Burle Marx au Brésil (avenida Atlantica, Rio, 1970), le centre ville s’est paré d’un revêtement en pavé préfabriqué aux motifs de vague. Le premier utilisé, fut le pavé dessiné par Melehi dans la médina tandis qu’un deuxième motif dessiné par Belkahia fut installé dans le reste du centre ville.
Nous proposons de créer un motif « Asilah » afin de revêtir les nouveaux aménagements et prolonger cet héritage de pavement qui fait toute la singularité de la ville. Son calepinage se fera en parallèle de la voie afin de suivre les courbes, mettre en valeur la linéarité du projet et retranscrire le flux et reflux des vagues sur la plage.
Espacé d’une cinquantaine de centimètre, ces bandes « vagues » seront accompagnées d’un remplissage en béton désactivé, lui aussi dans la continuité historique des espaces publics d’Asilah. Le contraste entre béton désactivé rugueux et bande de pavés « Asilah » lisse, entre absorbant et réfléchissant, provoquera des reflets sur le sol de la promenade, accentuant d’autant un effet de miroitement à la fois formelle et optique. Certains éléments de ces pavés pourront être réalisés en fonte d’aluminium. Ils seront intercalés entre les pavés en béton et créeront un effet d’irisation très singulier sur la promenade.
Une corniche extensible- Une langue de « sable » le long du port
Afin de préserver la dalle existante le long de la clôture du port, tout en limitant la vue sur celui-ci, nous proposons de creuser de multiples fosses de plantations pour des Pins et des arbustes plantés en aléatoire pour constituer la continuité de la pinède. Le sol sera revêtu d’un simple stabilisé couleur sable donnant un effet de jardin sur cette grande plaque de béton stérile. Cette zone constituera une extension fort agréable à la promenade, accueillant différentes aires de jeux pour les petits et les grands.
Une forêt du biome méditerranéen
Caractéristique du biome méditerranéen, le Pin servira d’élément fondateur du parti paysager sur le site. Espèce constitutive de la forêt originelle de ce territoire (forêt sclérophylle, forêt sèche), le site se transforme en vaste pinède. Afin de limiter la consommation en eau, les surfaces engazonnées ou traitées en herbacées sont réduites au maximum, la strate basse se compose dès lors essentiellement d’arbustes, économes en eau.
La strate arbustive est mise en exergue sous forme de nappe de plantation composée de différentes espèces sélectionnées dans le milieu méditerranéen (Myrthus communis, Myoporum laetum, Dodonea viscosa, Laurus nobilis, Pistacia lentiscus), tandis que la strate herbacée, d’aspect sauvage, donne un aspect naturaliste à l’aménagement.
Un éclairage « scénique » - une ambiance méditerranéenne
La corniche d’Asilah est un jardin de sculptures. Sculptures existantes et emplacements pour de nouvelles installations ponctuent l’ensemble de la promenade. Musée en plein air, la corniche se dote alors d’un éclairage scénique pour mettre en valeur les différentes œuvres la nuit. Elles constituent différents point phare le long du parcours. Les interstices, entre ces différentes « places de lumière », reçoivent un éclairage doux grâce à des mâts multi-projecteurs éclairant les houppiers des arbres et des palmiers. Une couleur orange sable, chaude, inonde la pinède et la promenade, tandis que des tons de bleu, du profond à l’électrique, tonifie les « places de lumière » pour mettre en avant les œuvres.
Une entrée de port réintégrée - une diminution des pollutions
Jusqu’ici l’entrée du port principale se situait au sud de la corniche. Cette position impliquait la traversée de la totalité de la ville par les camions alimentant le port.
Nous proposons de déplacer l’entrée principale des camions vers le nord afin de faire disparaître toute pollution olfactive, sonore et visuelle sur la corniche. Cette entrée sera desservie directement par la rue n°25, venant de la RN 1 afin que plus aucun camion ne circule sur la corniche. Seuls les véhicules légers et les livraisons auront le droit de longer la promenade.
Cette nouvelle implantation de l’entrée s’accompagne de la création d’une place d’accueil des camions. Celle-ci permettra la mise en attente d’une dizaine de poids lourds tout en donnant la possibilité d’une filtration efficace vers l’intérieur du port. Cette place sera recouverte de Pins afin de participer elle-aussi à l’ambiance « pinède » de l’ensemble de l’aménagement. Une voie intérieure donnera alors l’accès à l’ensemble des futurs bâtiments du port.